NEUROSCIENCES : Le cerveau ne prend pas de vacances :

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"Le cerveau a ses raisons que la raison ne connaît pas. Le paradoxe vient de ce que les processus cérébraux qui motivent les décisions sont différents de ceux qui les valident a posteriori. Pourquoi ? Parce que le cerveau a appris à prendre des décisions bien avant qu'il ne se mette à parler, à raisonner, à appliquer la logique. C'est vrai à l'échelle de l'individu, mais aussi à celle de l'évolution. Nombre d'espèces qui n'ont pas nos capacités de raisonnement prennent des décisions. Leurs cerveaux ont hérité d'une architecture fonctionnelle que nous partageons en partie, et qui déterminent certains de nos travers.
Expliquer au moins en partie les défauts de rationalité dans les choix que nous faisons
Dans Les Vacances de Momo Sapiens, je place à chaque début de chapitre le personnage dans une situation où il est amené à prendre des décisions. Le principe du livre, c'est d'exposer parmi les biais possibles dans la décision ceux sur lesquels les neurosciences ont des hypothèses quant aux mécanismes cérébraux impliqués. Cela permet d'expliquer au moins en partie les défauts de rationalité dans les choix que nous faisons. On sait ainsi que juste derrière le front, entre les deux yeux, le cortex orbitofrontal est une structure essentielle pour l'attribution de valeurs, car c'est de là que l'attention se porte pour évaluer les différentes options. Si cette structure est lésée lors d'un accident vasculaire cérébral (AVC) par exemple, les patients ne parviennent plus à attribuer de valeurs aux options et leurs décisions deviennent incohérentes, ce qui constitue le critère fondamental de l'irrationalité.

Mais même avec un cerveau normal, ces “erreurs” surviennent car le cortex orbitofrontal est aussi très perméable aux influences extérieures. De sorte que des facteurs cachés dans le contexte peuvent s'intégrer dans l'évaluation des options. Lors d'expériences où on demande à des sujets d'évaluer un tableau, on sait qu'une musique diffusée en fond va influer sur le jugement et les notes attribuées à l'œuvre, positivement ou négativement. Parce que cette mélodie va changer l'activité du cortex orbitofrontal préalable à la rencontre avec le tableau. Et conditionner ainsi la façon dont on apprécie celui-ci. Ce qui se joue au niveau cérébral va désorganiser les préférences dans les choix.
Les réactions émotionnelles peuvent aussi nous rendre irrationnels

Les réactions émotionnelles peuvent aussi nous rendre irrationnels. La colère, par exemple, va conduire à se battre. Or il se trouve que c'est difficile de se battre si on n'est pas en colère, alors même qu'on aurait probablement raison de le faire (pour la recherche de ressources ou éviter de se faire exploiter). Sauf que l'organisation du monde moderne fait que ce n'est pas toujours adapté bien sûr, et qu'il faut réguler ses émotions.

Les neurosciences cognitives se sont ainsi beaucoup intéressées à la fonction de contrôle cognitif prise en charge, elle, par le cortex préfrontal latéral situé derrière les tempes. Il s'agit de réguler les automatismes pour s'assurer que le comportement est bien conforme au but qu'on recherche à long terme. Or le cerveau est une machine biologique, donc imparfaite. Il existe ainsi une fatigue du contrôle cognitif qu'on observe dans de très nombreuses situations et qui correspond à une fatigue de régions précises du cortex préfrontal latéral. Des situations d'adaptation, comme une pandémie qui nécessite de s'acclimater à de nouvelles façons de travailler, d'engager des interactions, vont entraîner un surcroît d'activité de ces régions. Si la fonction est trop sollicitée, elle s'épuise. L'une des hypothèses formulées à partir d'imageries cérébrales, c'est que par exemple, au cours d'une journée de travail cognitif intense, on accumule des dérivés métaboliques de l'activité neurale dans le cortex préfrontal latéral qui peuvent être toxiques pour le cerveau s'ils sont trop abondants. On pense donc qu'il y a un dispositif de régulation qui nous empêche d'utiliser cette fonction de contrôle cognitif de façon trop intense ou trop prolongée pour éviter de mettre le cerveau en état de risque sur le plan métabolique. Les vacances, le sommeil ou le repos devraient en principe permettre de restaurer des concentrations normales et donc de récupérer ces capacités de contrôle."

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