NEUROSCIENCES : Qu’est-ce que l'hyperactivité des adultes ?

Photo : En empêchant la recapture de la dopamine, le méthylphénidate (Ritaline) favorise la transmission de cette molécule qui stimule les neurones.

Hyperactif : si le terme est trop souvent utilisé abusivement pour désigner les enfants turbulents, il caractérise en réalité un véritable trouble. À l'inverse, il est trop rarement employé pour les adultes qui en sont atteints. Depuis le printemps dernier, le méthylphénidate (Ritaline), utilisé depuis 1996 chez les moins de 18 ans en France - et depuis les années 1960 aux États-Unis -, a enfin obtenu son autorisation de mise sur le marché pour une utilisation chez l'adulte. De plus, alors qu'elle était réservée aux seuls psychiatres hospitaliers, sa prescription pourra désormais être réalisée par n'importe quel médecin.

Une posologie délicate à établir

L'histoire de la Ritaline a commencé sur un court de tennis ! Le chimiste suisse Leandro Panizzon, à l'origine de sa synthèse en 1944, aurait testé la molécule sur sa femme, Marguerite (surnommée Rita), adepte de ce sport. Résultat : une rapide amélioration de son jeu du fait d'une meilleure concentration et la naissance d'un nom commercial pour le médicament. Mis sur le marché en France en 1995, le méthylphénidate, un psychostimulant, existe aujourd'hui sous différentes formes (Ritaline, Ritaline LP, Concerta, Medikinet, Quasym) dont les durées d'action varient selon qu'il s'agit de formes à libération immédiate ou retardée. Selon les recommandations en vigueur, le traitement initial se fait à la dose la plus faible possible, la posologie étant ensuite progressivement augmentée par paliers d'une semaine jusqu'à trouver la dose minimale efficace permettant de stabiliser le patient. De possibles effets secondaires imposent une surveillance cardio-vasculaire et psychiatrique.

"On a longtemps pensé que le trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) disparaissait à l'âge adulte, détaille Benjamin Rolland, psychiatre à Lyon. Mais des études ont fait évoluer cette vision : elles ont montré que les signes persistaient en réalité dans environ 20 % des cas. " Troubles de l'attention, difficultés de concentration, procrastination, pertes répétées d'objets, prise de parole intempestive, impulsivité, troubles du sommeil, addictions… Le quotidien parfois très lourd et souvent handicapant des personnes atteintes de TDAH n'est donc pas l'apanage des enfants. Si la terminologie est parfois utilisée dans le langage courant pour désigner une simple surexcitation ou des personnalités dont l'agenda est toujours rempli trois mois à l'avance, elle fait en réalité partie depuis 1995 de la classification internationale des troubles psychiatriques. Il s'agit d'un trouble complexe dit neuro-développemental (TND) qui mêle facteurs génétiques, environnementaux et sociaux, décrit dès 1775 dans la littérature médicale. Mais s'il est désormais bien caractérisé dans ses formes pédiatriques (apparition des signes après 3 ans et avant 12 ans), les formes adultes restent mal connues, même des médecins.

Pour Benjamin Rolland, "il s'agit de patients dont le vécu et celui de leur entourage évoquent parfois celui de Gaston Lagaffe, entre enchaînement d'idées incessantes et incapacité à s'organiser, avec pour finir des profils créatifs et attachants mais peu en phase avec le monde extérieur, et parfois en grande souffrance ". Chez les adultes comme chez les plus jeunes, le TDAH est toujours un trouble dit circonstanciel, c'est-à-dire dont les symptômes varient selon le contexte : les signes augmentent si le cadre est monotone ou rigide et inversement.

Des demandes de diagnostic en augmentation

Mais jusqu'à présent, au grand dam des associations de patients et des psychiatres, le TDAH chez les adultes n'avait pas d'existence réelle. Ainsi, les patients majeurs en France, à l'inverse d'autres pays européens, n'avaient pas accès jusqu'au printemps au principal médicament destiné aux hyperactifs, le méthylphénidate. C'est aujourd'hui chose faite, bien que son remboursement soit encore à l'étude. Ce psychostimulant agit en inhibant la recapture de la dopamine. Dans la pharmacopée, ce n'est d'ailleurs pas la seule molécule efficace. Outre-Atlantique, en Suisse ou au Royaume-Uni, d'autres choix sont proposés : la lisdexamfétamine et les sels d'amphétamine aux mécanismes similaires, ou l'atomoxétine qui agit sur un autre neurotransmetteur, la noradrénaline.

Aujourd'hui, les demandes de bilan et de diagnostic sont en augmentation. "Le TDAH de l'adulte est un trouble fréquent, peu connu mais largement sous-estimé ", affirme Jean-Baptiste Alexanian, psychiatre à Pont-L'Évêque (Calvados). Selon une mise à jour de 2020 des experts de la Fédération mondiale du TDAH, sa prévalence serait de 2,5 % chez les adultes - contre 5,9 % chez les moins de 12 ans. En extrapolant ces chiffres à la France, 1,5 million d'adultes seraient "hyperactifs". "Soit trois villes comme Lyon, précise Caroline Demily, psychiatre dans cette cité. Mais la maladie souffre encore d'un manque de repérage, ce qui est source pour les patients d'errance diagnostique, de perte de chance et parfois de désocialisation. ".

Une étude italienne publiée en 2020 dans la revue Early intervention in Psychiatry s'est par exemple intéressée au délai nécessaire à l'établissement du diagnostic dans un groupe de 150 patients TDAH non repérés dans l'enfance. Réponse : 17 ans… plus ou moins quatorze ans. Soit, pour certains patients, près de trente ans sans aucun accompagnement ! Selon cette étude, le repérage était d'ailleurs d'autant plus long que la personne était bien insérée professionnellement ou issue d'une lignée également concernée ("c'est de famille "). Sans compter une difficulté majeure supplémentaire : l'association très fréquente du TDAH à un trouble du spectre autistique (30 % des cas), à l'anxiété ou à la dépression.

Or, comme chez l'enfant, le diagnostic se fait uniquement lors d'entretiens avec le patient. Repérer l'hyperactivité par IRM demeure un sujet de recherche : selon le dernier rapport des experts de la Fédération mondiale du TDAH destiné à la communauté des psychiatres remis en 2020, les petites anomalies observées chez les enfants dans certaines régions cérébrales sous-corticales (petite taille des ganglions de la base, de l'amygdale, l'hippocampe) n'ont pas été retrouvées chez les adultes. "Le diagnostic repose donc toujours sur des questionnaires facilement utilisables par les médecins généralistes ", explique Jean-Baptiste Alexanian. Parfois, le recours à un bilan neuropsychologique, une discipline à la croisée entre psychologie clinique et neurosciences cognitives, peut aussi être envisagé, permettant de faire le lien entre un comportement observable et les zones cérébrales.

La question de l'apparition tardive du trouble reste entière

Reste une question : les adultes hyperactifs sont-ils des enfants hyperactifs non repérés ou ont-ils pu développer un TDAH passé leurs 18 ans ? "Cette notion de TDAH d'apparition tardive est une question scientifique actuellement très débattue ", reconnaît Benjamin Rolland. Mais aujourd'hui, les arguments et les études ne permettent pas de trancher. En attendant, les psychiatres tentent de répondre aux demandes des patients parfois en grande souffrance personnelle, "sans chercher à surmédicaliser mais en offrant des réponses personnalisées, adaptées à chaque cas particulier ", résume le psychiatre.

Parmi les aides proposées, les thérapies cognitivo-comportementales, le neurofeedback, mais aussi de plus récents programmes dits de remédiation cognitive. "Il s'agit de méthodes d'entraînement cérébral en cours de développement et d'évaluation en France ", signale Laure Labaume, psychiatre à Lyon. Elles sont utilisées par des professionnels formés, le patient seul ou en groupe travaille de manière ludique sa mémoire et son organisation, avec par exemple des plannings à créer et à tenir." Sans oublier l'aide à la gestion des émotions exprimées lors de jeux de rôles. Avec la possibilité d'associer un traitement médicamenteux, la prise en charge des adultes hyperactifs prend enfin forme.

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