CERVEAU : Quelqu’un a-t-il vu la conscience ?

Une des questions fondamentales des neurosciences est de déterminer les relations entre le cerveau et la pensée. Le cerveau « produit-il » l’esprit, ou ce dernier est-il une propriété immatérielle de cet objet matériel branché sur le corps et sur le monde ? Certes, la définition de ce qu’est l’esprit reste en soi une recherche relevant de disciplines croisées. Mais il est clair que la conscience y prend une part importante. Or, ces dernières années, les progrès des neurosciences ont fait naître la possibilité d’observer la conscience dans le cerveau. Ou, plutôt, de repérer des caractéristiques neuronales propres à nos états conscients, qui permettraient de repérer ces derniers par la mesure expérimentale.

Avant toute chose, il est indispensable de se doter d’une définition de la conscience qui nous permette de délimiter rigoureusement ce dont il sera question. Aujourd’hui, il est possible de définir la conscience comme notre capacité à nous rapporter subjectivement nos propres états mentaux, à la manière de ce que nous affirmons quotidiennement : « Je vois ce visage ; j’entends cette voix ; je me souviens de ce coucher de soleil ; je suis en train de me brosser les dents… » Le néologisme « rapportabilité » offre une définition de la conscience dont la spécificité ne fait pas débat : l’immense majorité sinon la totalité des théoriciens de la conscience partagent l’idée que la conscience est nécessaire pour la rapportabilité. Il est également important de noter que cette rapportabilité interne ne se limite pas à la communication verbale, mais qu’il est possible de la recueillir de manière non verbale chez des bébés, des patients aphasiques, mais également dans d’autres espèces animales, comme par exemple chez le macaque. Il s’agit donc d’une capacité à accéder subjectivement à nos propres expériences, à nous les représenter d’une façon ou d’une autre.

Forts de cette définition, il devient possible de bâtir un programme scientifique afin de répondre à deux questions : premièrement, quelles sont les conditions cérébrales nécessaires et suffisantes à un état conscient, c’est-à-dire à la possibilité de se rapporter ses propres états mentaux, indépendamment de leur contenu ? Deuxièmement, quel est le scénario cérébral de la prise de conscience, c’est-à-dire la suite d’événements neuronaux qui aboutissent à la création d’un état conscient ?

Suffit-il d’être éveillé pour être conscient ?

Être conscient requiert deux conditions absolument nécessaires. Tout d’abord, le cerveau doit être dans un mode d’éveil, c’est-à-dire que les vastes ensembles de neurones du cortex cérébral doivent être activés. Cette première condition repose sur un réseau de régions sous-corticales qui composent la formation réticulée, qui naissent dans le tronc cérébral. Le tronc cérébral est la structure du système nerveux central située immédiatement au-dessus de la moelle épinière. La formation réticulée y naît, et se prolonge jusqu’au thalamus (un gros noyau gris qui appartient aux ganglions de la base) et jusqu’à d’autres noyaux voisins (tels que le noyau basal de Meynert). Ainsi que le neurologue Antonio Damasio l’a très bien décrit, la formation réticulée reçoit en permanence des informations en provenance du monde extérieur et du corps. Dès qu’elle détecte une menace potentielle dans l’environnement ou un déséquilibre du « milieu intérieur », elle éveille le cortex situé au-dessus d’elle afin de solliciter des solutions stratégiques et élaborées pour assurer ce que l’on appelle, depuis Claude Bernard, l’homéostasie – le maintien des fonctions physiologiques comme la glycémie ou l’acidité des fluides internes autour de valeurs optimales.

Chaque fois que nous sommes conscients, nous sommes aussi éveillés : l’éveil est nécessaire à la conscience ! Et les rêves, me direz-vous ? Ne sont-ils pas d’authentiques expériences conscientes au cours desquelles nous nous rapportons ce que nous vivons ? De sorte qu’une fois éveillés, nous parvenons à nous remémorer certains de ces épisodes qui nous semblent alors très bizarres… Alors, les rêves ne sont-ils pas des états de conscience sans éveil ? Non, car en réalité, la majorité des rêves surviennent lors d’un état découvert dès les années 1950 par Michel Jouvet à Lyon, très paradoxal : vu de l’extérieur, le dormeur n’a nullement l’air éveillé, mais son cerveau vient en fait d’être réactivé par sa formation réticulée. On parle de sommeil paradoxal (REM-Sleep en anglais, ce qui signifie « sommeil à mouvements oculaires rapides »), qui correspond donc à un état d’éveil cortical qui autorise l’expérience consciente. Notons toutefois que certains rêves surviennent lors d’autres périodes du sommeil, et que leur mécanisme constitue un sujet de recherche très actif, exploré à la fois par les neuroscientifiques, mais également par des chercheurs en sciences humaines tel que le sociologue Bernard Lahire. Durant le sommeil lent profond, il semble que nous ne rêvions que lors de périodes instables caractérisées par des réveils partiels et transitoires du cortex, ce qui semble ainsi en accord avec ce premier principe : la conscience requiert un niveau d’éveil minimal.

Un concept clé : la cohérence

Pour autant, être éveillé ne suffit pas. Lors de certaines crises d’épilepsie, un malade peut rester éveillé, garder ses yeux ouverts, se tenir debout avec un tonus postural d’éveil, voire même s’engager dans des activités motrices automatiques… mais il n’est conscient ni de lui-même ni de l’environnement. Autrement dit, il existe des états d’éveil sans conscience. Dans un registre plus dramatique, les états dits végétatifs illustrent la même dissociation : un éveil sans conscience de soi ni de l’environnement.

S’il ne suffit ainsi pas d’être éveillé pour être conscient, quel est l’indispensable ingrédient cérébral supplémentaire ? Un cerveau conscient n’est pas simplement un cerveau éveillé ; c’est également un cerveau qui est le siège d’une conversation neuronale très particulière qui opère entre des régions distantes du cortex. Notre écorce cérébrale est constituée d’une mosaïque d’aires dévolues à des fonctions aussi différentes que la vision, le toucher, l’intégration d’informations sur notre environnement social, la perception des visages, l’audition, la planification de l’avenir, etc. Lorsque nous sommes conscients, différentes aires du cortex, parfois distantes de plusieurs centimètres (ce qui représente une distance considérable à l’échelle des cellules de notre corps), conversent les unes avec les autres d’une façon bien particulière. Elles le font tout d’abord de façon cohérente, c’est-à-dire que l’activité des neurones est en partie synchronisée dans ces différentes aires ; la communication est par ailleurs complexe, au sens où si l’on cherche à compresser les informations qu’elle véhicule à l’aide d’un logiciel de compression numérique, on conserve malgré tout une information qui reste riche et diverse ; enfin, il s’agit d’une information différenciée, dont les caractéristiques diffèrent selon les aires corticales engagées dans cette conversation. Dans certaines situations pathologiques, cette conversation devient excessive, appauvrie et indifférenciée, c’est typiquement ce qui survient lors d’une crise d’épilepsie accompagnée d’une perte de conscience. Autrement dit, pour être conscient, le cerveau doit se trouver dans un mode de communication suffisant, mais non excessif.

Récapitulons : pour être conscient, un cerveau doit être, d’une part, éveillé, et d’autre part, le siège d’une activité spécifique, à la fois cohérente, complexe et différenciée selon les critères qui précèdent. Il est aujourd’hui possible de détecter dans l’activité cérébrale la combinaison de ces deux conditions nécessaires et suffisantes à l’état conscient. À l’aide de l’IRM fonctionnelle ou de l’électroencéphalographie, nous parvenons à savoir si un cerveau est conscient, s’il est endormi et inconscient, ou encore s’il est éveillé mais inconscient. À titre d’exemple, une série de travaux réalisés conjointement dans mon laboratoire et celui de Stanislas Dehaene nous ont permis de caractériser ces signatures cérébrales de l’état conscient. Nous les utilisons auprès de malades plongés dans des états où il leur est impossible de communiquer (par exemple, des patients en syndrome locked-in, conscients mais paralysés, ou des sujets éveillés dont on ignore s’ils sont conscients ou non).

Une signature cérébrale identifiable

Pour identifier de telles signatures cérébrales de la conscience, une des pistes de recherche les plus prometteuses consiste à s’intéresser à la dynamique des configurations d’activité cérébrale. Voyons, encore une fois, le cortex sous la forme d’un ensemble de sous-régions disposées à sa surface, telle une mosaïque (voir la figure ci-contre). Notre hypothèse est que la signature de cet état conscient réside dans la nature précise des interactions entre ces différentes sous-régions, ce qu’on appelle leur connectivité fonctionnelle. Concrètement, si deux sous-régions ont tendance à s’activer simultanément, de façon concertée, on considère alors qu’elles sont fonctionnellement connectées. Décrire l’état conscient du cerveau à un instant donné revient alors à mesurer cette connexion fonctionnelle entre toutes les paires possibles de sous-régions cérébrales. Pour cela, on construit un tableau fait d’autant de lignes et de colonnes qu’il y a de sous-régions prises en considération, et l’on reporte dans chaque case de ce tableau (ou matrice) un chiffre d’autant plus élevé que la connexion entre les deux aires figurant dans la colonne et la ligne correspondante est intense.

la communication entre ces différentes aires distantes qui nous donne un accès conscient à l’événement.

Lorsque nous prenons conscience d’un événement en particulier (par exemple visuellement), l’image de l’événement excite le cortex visuel sur un mode non conscient, puis au-delà de 300 millisecondes l’information s’étend à d’autres aires cérébrales, articulées autour du cortex préfrontal. C’est la communication entre ces différentes aires distantes qui nous donne un accès conscient à l’événement.

À chaque instant, l’état de connexion fonctionnelle du cerveau peut être représentée au moyen d’une telle matrice. Si l’on enregistre l’activité cérébrale à l’aide de l’IRM fonctionnelle pendant une vingtaine de minutes, il est possible d’estimer le nombre de matrices différentes qui semble décrire au mieux la dynamique cérébrale durant cette période. Une série de travaux récents ont mis en évidence deux résultats originaux. Tout d’abord, le nombre de ces matrices semble plus élevé lorsque le sujet est conscient, par comparaison avec des états d’inconscience tels que le coma, l’état dit végétatif, l’anesthésie générale ou le sommeil profond. Deuxièmement, certaines de ces matrices semblent plus spécifiquement associées à l’état conscient. Lorsque nous sommes conscients, notre cerveau présente une combinaison complexe d’activations et d’inhibitions entre des régions corticales distantes, ce qui n’est pas observé dans la plupart des états inconscients. Cette façon d’analyser le fonctionnement du cerveau permet véritablement d’isoler des signatures neuronales de l’état conscient, par opposition aux états non conscients.

Nos états conscients sont donc faits de transitions variées d’une configuration cérébrale à une autre (ou, plus précisément, d’une configuration de connexion fonctionnelle à une autre). Ceci vaut, indépendamment du contenu de notre conscience. Cet état de transition forme en quelque sorte la toile de fond de notre conscience. Sur cette toile de fond surgissent, à différents instants de notre vie, des prises de conscience particulières. Imaginez-vous au volant de votre voiture traversant un paysage de collines verdoyantes. Votre attention, flottante, gère la conduite en mode semi-automatique, tandis que les notes d’un concerto de Tchaïkovski parviennent distraitement à votre oreille. Soudain, un panneau lumineux annonce un accident à 1 kilomètre et fait signe de ralentir. Sur la toile de fond de votre conscience surgit brusquement un événement ponctuel qui suscite cette fois une prise de conscience. Comment décrire alors ce qui se passe dans votre tête ?

Un feu de forêt dans le cerveau

Afin de répondre à cette question générale, mes collègues et moi-même avons mené des expériences pour enregistrer l’activité cérébrale lorsque nous percevons un stimulus visuel ou auditif. Grâce à ces études, nous avons mis au jour un scénario en deux étapes. Tout d’abord, toute perception commence par une étape non consciente (voir la figure ci-dessus). Au moment où le signal lumineux annonçant l’accident frappe votre rétine, les aires visuelles de votre cerveau commencent à s’activer avant même que vous en perceviez l’image consciemment, pendant environ 300 millièmes de secondes. Puis, au-delà de cette durée, la représentation inconsciente du signal commence à s’amplifier et à diffuser dans d’autres régions du cerveau. Ces différentes aires qui diffusent l’information font partie de ce que l’on appelle l’espace de travail global conscient : selon la théorie proposée par le psychologue cognitiviste américain Bernard Baars, puis reprise et enrichie d’une version neuronale par Stanislas Dehaene, Jean-Pierre Changeux et moi-même, l’espace de travail global se compose d’un réseau d’aires organisées autour de la partie la plus antérieure de l’encéphale, le cortex préfrontal. Une fois prise en charge à ce niveau, la représentation devient consciente et l’on voit véritablement le signal. Puis l’activité neuronale peut alors atteindre des niveaux de représentation très complexes. Notamment le sens des mots apparaissant sur le panneau d’alerte. En 2000, avec Stanislas Dehaene et Laurent Cohen, nous avons ainsi identifié une aire cérébrale qui reconnaît la forme visuelle des mots écrits, puis permet à l’espace global de travail d’en fournir un traitement conscient.

Grâce aux techniques électrophysiologiques comme l’électroencéphalographie ou la magnéto­encéphalographie, il est possible de saisir la dynamique temporelle fine de la prise de conscience, à l’échelle de la milliseconde. Trois événements caractéristiques se produisent, qui permettent de repérer à coup sûr ce moment de prise de conscience : une amplification soudaine et soutenue de la représentation initiale dans le réseau cérébral perceptif impliqué (par exemple les régions visuelles ou auditives) ; dans le même temps intervient une modification très spécifique d’un paramètre appelé puissance spectrale des neurones, qui décrit la contribution relative des principales ondes cérébrales (alpha, bêta, gamma, delta) au signal électrique d’ensemble du cerveau ; et, enfin, on note une augmentation concomitante de la connectivité fonctionnelle entre la région perceptive impliquée et les régions qui composent l’espace de travail global (en particulier les cortex pariétaux et préfrontaux). Ce scénario semble très général, et il faudra tester sa validité dans la prise de conscience de tous ces autres contenus plus difficiles à contrôler pour un expérimentateur : un souvenir, une émotion, une intention… Ainsi, nous commençons à savoir décrire assez finement la dynamique complexe de l’activité cérébrale qui caractérise nos états conscients.

Lorsque des aires cérébrales distantes se mettent à échanger de l’information cohérente, riche et variée, on a affaire à un cerveau conscient.

Que le cerveau comporte des signatures physiologiques de la conscience, c’est un fait. Mais qu’il soit suffisant à produire l’intégralité de l’expérience consciente, voilà qui est beaucoup moins certain.Mon équipe de recherche a récemment montré que lorsque nous prenons conscience d’un stimulus, non seulement notre cerveau présente les signatures décrites plus haut, mais nos pupilles se dilatent, notre cœur accélère. À l’école normale supérieure, l’équipe de Catherine Tallon-Baudry a récemment découvert que la façon dont notre cerveau sent et analyse les battements du cœur pourrait jouer un rôle dans notre conscience de soi. Alors, à quel point ces marqueurs somatiques (liés au corps) de notre vie mentale sont-ils nécessaires à notre vie consciente ?

Et le corps, dans tout ça ?

De la même manière, la conscience, et notamment la richesse de ses contenus, requiert très probablement des interactions sociales très précoces, ainsi qu’une histoire individuelle mais également intersubjective, et culturelle. À la suite de l’anthropologue François Flahault, il est absurde de penser le cerveau et la conscience comme isolés du monde environnant, et comme clivés des interactions avec ce monde qui leur permettent de se constituer. Flahault voit là une sorte de nouveau dualisme fondé, non pas sur une distinction radicale entre l’esprit et le corps, mais sur une distinction tout aussi radicale entre la conscience et le monde dans lequel le sujet se construit.

L’élucidation des relations entre le cerveau, le corps et l’environnement, notamment l’environnement humain et culturel, constitue l’une des grandes questions des sciences de la conscience, et devrait faire l’objet de travaux originaux et transdisciplinaires au cours des années à venir.

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