Dompter son cerveau pour le meilleur :

  • 10 Janvier 2020
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Chaque fois que vous apprenez quelque chose, de nouveaux câblages se développent entre vos neurones. Saurez-vous améliorer l'efficacité de ces connexions toutes neuves ? Les neurosciences peuvent vous aider, voici comment.

“La science ne prétend pas dicter au formateur ce qu'il doit faire, mais elle enrichit ses pratiques”, avance le docteur Nadia Medjad dans Le Neurolearning, paru en décembre 2016. Les neurosciences ont confirmé certaines pratiques que connaissent bien les pédagogues, mais elles ont aussi invalidé quelques-unes de leurs croyances, désormais remisées au rayon des “neuromythes”. Ainsi, réviser une leçon plusieurs fois à petites doses est plus efficace que de bachoter la veille d'un examen. En effet, répéter régulièrement une info favorise la création de nouvelles connexions neuronales et consolide la mémorisation. Celle-ci est par ailleurs facilitée lorsqu'on associe l'information à retenir à un acquis plus ancien (on se souvient aisément d'un numéro de téléphone composé de numéros de départements connus).

    Neuromythe : Fausse croyance sur le fonctionnement du cerveau. Comme l'idée que l'écoute de dix minutes de musique classique par jour améliorerait les performances cognitives. Ou que l'on n'utiliserait que 10% de nos capacités cérébrales.

    Cognition : Ensemble des processus qui permettent le traitement de l'information et la constitution des connaissances.

En revanche, la croyance selon laquelle chaque individu développe une mémoire plutôt auditive, visuelle ou kinesthésique - à l'exclusion des autres - est erronée : le processus d'apprentissage est d'autant plus efficace qu'il fait appel à plusieurs sens. Lorsque vous expliquez un projet à vos collaborateurs, associez donc le visuel (un PowerPoint, des diapos), des mots-clés, des schémas, des dessins... Mais n'hésitez pas aussi à moduler votre voix pour bien marquer les esprits, à utiliser des bruitages, à faire circuler dans la salle un prototype en modèle réduit, voire à faire goûter ou sentir le nouveau produit s'il s'y prête. En travaillant sur ces niveaux sensoriels, vous aidez vos auditeurs à “recâbler” leur cerveau. Il existe cependant bien d'autres méthodes pour favoriser la plasticité cérébrale. Les voici.

Soyez multisensoriel

L'enfant apprend mieux en jouant. Il en est de même pour l'adulte. Y compris en entreprise. La gamification est un exemple typique d'utilisation efficace des leviers des neurosciences. “Les serious games permettent de varier les rythmes d'apprentissage, de mobiliser différents sens, de maintenir l'attention et l'engagement de l'apprenant”, explique Lina Hamed, consultante en digital learning. Exemple chez Bouygues Construction, où les équipes de l'université interne ont piloté la conception d'un serious game, FairDeal, pour former les 152.000 collaborateurs du groupe à l'éthique et au code de conformité.

Ils ont aussi créé un parcours d'intégration à base de BD interactives, de webséries et de mini-jeux. “Nous avons beaucoup travaillé sur les aspects visuels et sonores à travers la musique ou les bruitages, et nous avons rythmé les modules de quarante-cinq minutes à une heure avec de nombreux petits jeux de trente secondes pour favoriser le relâchement”, explique Cécilia Scalvini-Gaben, responsable digital learning du groupe. Résultat : une diminution radicale des litiges lors de la livraison des bâtiments. Et une satisfaction accrue des salariés.

 

Stimulez l'attention

L'intensité de l'activité cérébrale se manifeste par la fréquence des ondes qui l'animent. Un cerveau en mode pilotage automatique - pour réaliser des tâches habituelles, sans vraiment avoir besoin d'y penser - fonctionne à une fréquence de 20 hertz, contre 60 lorsqu'il est attentif. A ce rythme élevé, il ne peut être performant qu'une quinzaine de minutes. D'où l'importance de séquencer les apprentissages. C'est ce que propose Langaj, un centre de formation spécialisé dans l'enseignement des langues étrangères. Benoît Thao, son directeur général, décrit ainsi l'approche adoptée : “Nos sessions, qui durent une heure et demie ou deux heures en face à face (ou une heure en visioconférence), sont organisées en plusieurs séquences : un travail d'écoute sur la musicalité de la langue, de la stimulation neurosensorielle pour éduquer l'oreille à entendre les fréquences utilisées dans la langue cible, la reprise d'une production que l'apprenant a réalisée entre deux séances, un apport théorique sur des points de grammaire ou de vocabulaire et, pour finir, une conversation sur un sujet de tous les jours.”

L'animation des stages emprunte beaucoup aux neurosciences. “Nous insistons pour que le professeur se place en face de l'apprenant afin d'activer ses neurones miroirs”, poursuit Benoît Thao. Leur activation permet de s'imaginer dans l'action et d'adopter soi-même le comportement de celui qui est observé. Quand l'action n'est pas reproductible en séance, on recourt à la visualisation, comme pour l'entraînement d'un sportif. Xavier Martin, coach et formateur pour l'organisme de formation CSP, qui a publié en février 2017 un livre blanc sur les neurosciences et la formation continue, a fait évoluer ses pratiques : “Auparavant, j'hésitais à me mettre en scène dans les jeux de rôles proposés en stage. Je le fais désormais, car le mouvement et la posture du formateur activent efficacement les neurones miroirs des stagiaires.”

    Neurones miroirs : Lorsque vous regardez quelqu'un accomplir une action, les mêmes neurones nécessaires à cet acte s'activent dans votre cerveau. Cette forme d'apprentissage par imitation est primordiale.

 

Laissez reposer

Autre point : on sait que le cerveau retient mieux lorsqu'il est bien reposé, mais aussi qu'il “révise” ses informations pendant la nuit. Une bonne façon de mémoriser une leçon consiste donc à la lire le soir avant de se coucher. “Je fais toujours réaliser à mes stagiaires, sous forme de carte mentale par exemple, une synthèse des acquis en fin de journée, juste avant qu'ils rentrent chez eux”, explique Xavier Martin. Et, comme le cerveau apprend par essai-erreur et a besoin de retours immédiats, un formateur a tout intérêt à donner des feed-back régulièrement en utilisant de surcroît des outils ludiques, par exemple un klaxon pour signifier que la réponse est correcte ou non. Prêt ? Redessinez cet article sous forme de carte mentale et allez vous coucher. On vous réveille demain... avec le klaxon.

 

SENS, SOMMEIL, JEU... 8 ÉLÉMENTS CLÉS POUR MIEUX APPRENDRE

Mobiliser tous ses sens en même temps afin de mieux mémoriser.

Dormir avant la formation et après l'apprentissage pour retenir son contenu.

Bouger car l'activité physique participe à la bonne santé des neurones et à la neurogenèse. Régime idéal : trente minutes d'exercice physique (intensité modérée) deux ou trois fois par semaine.

Connecter les informations et les répéter pour mieux mémoriser.

Regarder faire pour apprendre comme si l'on faisait soi-même.

Visualiser lorsqu'on n'est pas en situation de mettre en pratique un comportement.

Stimuler l'attention pour permettre au cerveau de sortir du mode pilotage automatique.

Jouer sur les émotions, car une information associée à une émotion s'ancre profondément dans la mémoire.