NEUROSCIENCES : Comment bien suivre son intuition ?

Peut-on vraiment suivre son intuition ? Oui, mais à certaines conditions, répondent les scientifiques, qui ont comparé ses performances avec celles de l'analyse rationnelle, et défini un mode d'emploi pour bien l'utiliser.

Épargner le coût cognitif d'une analyse rationnelle, offrir la possibilité d'agir en cas d'urgence, de saisir les opportunités à la volée… C'est peu dire que, du point de vue de l'évolution tout comme au jour le jour, l'intuition offre un certain avantage… Mais encore faut-il savoir quand s'y fier ! Faire le bon choix - recourir à la raison ou à l'intuition - dépend ainsi de nombreux facteurs : la complexité du problème auquel on fait face, la manière dont il est présenté, notre état émotionnel et, surtout, notre niveau d'expertise dans le domaine concerné.

MOYEN DE DÉCISION
L'intuition se révèle en tout cas un moyen de décision bien plus fiable qu'on aurait pu le croire dans notre monde hyper-rationnel. Étonnamment, lorsqu'un problème comporte beaucoup de paramètres à prendre en compte - comme choisir un appartement ou le meilleur candidat à une offre d'emploi -, nous aurions tout intérêt à suivre notre intuition plutôt que perdre du temps en analyse, selon une étude du psychologue néerlandais Ap Dijksterhuis parue en 2006.

Dans l'une de ses expériences, le chercheur a demandé à des étudiants de choisir la meilleure voiture parmi quatre modèles. Un groupe se basait pour cela sur quatre caractéristiques seulement, alors que l'autre devait prendre en compte une liste de douze paramètres. Et, au sein de chaque groupe, certains avaient quatre minutes pour analyser tranquillement le problème, tandis que les autres devaient le faire tout en résolvant des anagrammes. Résultat : moins le problème avait de variables, plus les étudiants avaient besoin d'y réfléchir consciemment pour faire le bon choix. Et inversement ! Lorsque la question était complexe, ce sont ceux qui n'avaient pas eu le temps de réfléchir qui prenaient la meilleure décision.

Laisser le cerveau réfléchir en pilote automatique pendant qu'on réalise une autre tâche : c'est ainsi que jaillissent les éclairs de génie. Or une série d'expériences menées en 2016 par des psychologues américains ont montré que cette intuition, dite "holistique", conduisait à de meilleures solutions qu'un raisonnement pourtant méthodique. Les participants devaient ici résoudre des puzzles langagiers ; on leur présentait, par exemple, trois mots, break, light et time , et il leur fallait trouver le mot commun permettant de créer avec chacun d'entre eux un nouveau mot (la réponse, dans cet exemple, était " day") .

Du bon usage de l'intuition

QUELLE INTUITION ?
Pour les tâches simples, faites confiance au coup d'œil expert, et pour les tâches compliquées, à l'éclair de génie.

Les résultats montrent à nouveau la puissance de la pensée intuitive : 94 % des solutions apparues soudainement étaient correctes, contre 78 % des réponses issues d'une analyse. Alors quoi ? Devrions-nous faire confiance à chacune de nos premières impressions et pensées ? Pas si vite : l'intuition nous aveugle parfois, le cerveau peut induire en erreur ! Nous sommes, par exemple, très sensibles au contexte : une expérience des psychologues Daniel Kahneman et Amos Tversky menée dans les années 1980 a montré que la manière dont était présenté un problème influençait la réponse apportée, un biais cognitif appelé "effet de cadrage". Un scénario - tristement prémonitoire - était présenté aux participants : "Imaginez que les États-Unis doivent faire face à une épidémie inédite venue d'Asie, qui menace de tuer 600 personnes, et que deux programmes pour combattre la maladie sont proposés ." Dans un premier groupe de volontaires, les deux options étaient présentées ainsi : si le programme A est adopté, 200 personnes seront sauvées. Le programme B offre, lui, une chance sur trois de sauver tout le monde, et deux chances sur trois de ne sauver personne. La majorité des personnes interrogées optaient alors pour la première option. Mais dans le second groupe, les solutions étaient exposées différemment : si le programme A est adopté, 400 personnes vont mourir, tandis qu'avec le programme B, il y a une chance sur trois que personne ne meure et deux chances sur trois que tout le monde meure. Et les participants optaient cette fois pour la réponse B…

Les 5 règles à respecter
1 - Ne l'utilisez que lorsque vous êtes calme
2 - Ne l'utilisez que dans des domaines que vous maîtrisez bien
3 - Ne l'utilisez que dans des contextes familiers
4 - Ne l'utilisez pas pour prédire des évènements peu probables
5 - Ne confondez pas impulsions primaires et intuition

DIFFÉRENTE D'UNE PULSION
Gare aussi aux émotions ! " Ne prenez pas de décision intuitive dans les moments forts émotionnellement, qui brouillent les signaux de l'intuition. Si vous venez de gagner au loto ou que vous sortez d'une rupture amoureuse, par exemple, il vaut mieux retrouver son calme avant de décider quoi que ce soit", préconise Joel Pearson, professeur en neurosciences cognitives à l'université de Nouvelle-Galles du Sud, qui a élaboré cinq règles d'utilisation de l'intuition (voir page précédente) .

Du bon usage de l'intuition

De même, il ne faut pas confondre ses intuitions avec des pulsions plus viscérales, comme la faim, la peur, toutes deux liées à un instinct de survie. "Je conteste l'idée d'alimentation intuitive. Avoir envie de manger toute la tablette de chocolat, ce n'est pas une intuition mais le système de la récompense qui s'active dans notre cerveau. Avoir envie de manger gras et sucré est lié à notre évolution, pas à l'intuition", poursuit le chercheur australien. Une expérience menée dans les années 1970 par des psychologues canadiens a d'ailleurs mis en évidence ce mécanisme psychologique appelé "erreur d'attribution". Des hommes devaient traverser un pont de cordes suspendu au-dessus d'un canyon, ou bien un pont en dur, plus stable et rassurant. Une jeune femme les attendait sur l'autre rive pour leur faire remplir un questionnaire et leur remettre son numéro de téléphone. Or, l'enquêtrice a été cinq fois plus rappelée quand les participants avaient emprunté le pont suspendu. La peur ressentie lors de la traversée du pont branlant, provoquant certaines réactions physiologiques comme l'accélération de leur rythme cardiaque et la libération d'adrénaline, avait été confondue avec un coup de foudre ! "Et il ne faut pas non plus s'appuyer sur son intuition pour prédire des évènements qui ont très peu de chances de se produire, comme lorsqu'on prend l'avion et qu'on a le mauvais pressentiment qu'il va s'écraser", pointe Joel Pearson. Car là encore, c'est la peur qui parle, et non l'intuition. "Ces idées-là occupent beaucoup de place dans notre cerveau, elles engagent l'amygdale qui peut entraîner des réponses émotionnelles très puissantes ."

Du bon usage de l'intuition
Il y aurait donc une unique règle d'or, pour une grande partie de la communauté scientifique : ne suivre son intuition que dans les domaines où l'on a de l'expertise. C'est bien là qu'elle se révélerait juste, sûre et efficace. "Quand on montre des vidéos de situations de jeu à des handballeurs professionnels, qu'on leur demande de prendre une décision en 3 secondes ou d'envisager toutes les options possibles en 45 secondes, puis qu'on fait évaluer leurs choix par des experts, on se rend compte que leur première option est toujours la bonne", illustre Cyril Bossard, maître de conférences en sciences du sport à l'université de Bretagne occidentale. En somme, l'intuition ne fonctionne vraiment que si on la travaille et, de fait, s'améliore avec l'âge. Ce qui serait valable dans n'importe quel secteur, de l'activité sportive aux relations sociales. "Nous pouvons tous devenir intuitifs dans le domaine de notre choix, du moment qu'on y consacre du temps" , conclut Philippe Chassy, professeur de psychologie cognitive à l'université de Liverpool. Sachant que devenir expert nécessite 10 ans d'activité, ou 10 000 heures de pratique en moyenne. "Dès lors, la vraie question à se poser, c'est combien d'heures êtes-vous prêt à investir pour développer une bonne intuition ? » . Mais aussi… dans quel domaine ?

Certaines personnes sont-elles plus intuitives que d'autres ?

L'intuition serait-elle plus féminine que masculine, comme le veut l'adage populaire ?
" Les données suggèrent une légère différence de genre, les femmes rapportent prendre plus de décisions intuitives, mais cela reste à démontrer de manière objective ", a f f i r m e Joel Pearson. Depuis les années 1970, nombre d'expériences ont montré que les femmes savaient mieux lire les émotions et les intentions d'autrui. Mais une étude britannique de 2005 a abouti au résultat inverse : les hommes ont mieux différencié un sourire sincère d'un sourire forcé sur des photographies de visages.

De même, des personnalités créatives comme Steve Jobs ont souvent déclaré s'appuyer sur leur intuition pour faire émerger de nouvelles idées. " Quand elles hésitent entre plusieurs pistes, c'est ce qui va les pousser à en choisir une plutôt qu'une autre" , décrypte Todd Lubart, professeur de psychologie à l'université de Paris, qui a étudié le lien entre créativité et intuition. " Les travaux pointent vers une corrélation positive entre l'intuition auto-déclarée et l'accomplissement des tâches créatives. Ce lien n'est pas très fort mais il existe. " On lit souvent, par ailleurs, que les personnes dites "à haut potentiel intellectuel" auraient un fonctionnement intuitif. " Mais peu d'études scientifiques le montrent directement. On sait, en revanche, que ce sont des personnes créatives : ce lien entre intuition et créativité vient donc appuyer cette idée ", avance Léo Robiou du Pont, chercheur au Laboratoire de psychopathologie et neuropsychologie de l'université Paris 8, qui mène actuellement une étude explorant ces liens potentiels entre différents processus intuitifs et divers traits psychologiques.

Enfin, une dernière variable pourrait venir expliquer les différences individuelles en termes d'intuition : la capacité de chacun à utiliser la transe, l'auto-hypnose, le yoga ou encore la méditation, des pratiques qui permettent de réduire le bruit mental, d'être plus à l'écoute de soi. Et donc de ses intuitions.
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Les informations publiées par NEUROSCIENCES ne se substituent en aucun cas à la relation entre le patient et son médecin traitant.